samedi 28 janvier 2012

Concerto.

"Mademoiselle, au vu de votre absence lors de notre rendez-vous fixé à la date du 17 Janvier 2012, le service de pôle emploi se voit obligé de suspendre vos droits jusqu'à nouvel ordre.
Vous pouvez nous envoyer un courrier, expliquant les raisons de votre absence à ce premier rendez-vous, à l'adresse figurant au bas de ce courrier, ou vous présenter à l'agence dont vous dépendez, dans les 15 jours. Cordialement. L'équipe de Pôle Emploi."

Mal assise sur un siège gris rembourré d'une mousse défoncée, vous avez le pied qui irrémédiablement tape sur la plaque d'aggloméré du bureau de votre "interlocuteur".
Lui, votre interlocuteur, semble quelque peu agacé par ce mouvement pendulaire de votre membre sur son bureau, mais semble bien trop emmerdé par une défaillance technique de son petit bijou informatique qui, vu sa gueule, paraît remettre en cause sa vie entière.
Vous êtes en train de parier sur le côté de ses tempes qui verra perler la goute de sueur quand vous réalisez que vous avez au bout de vos pieds boudinés des bottines, éditions limitées toutes neuves, qui vous ont couté presque un RSA...Vous arrêter alors immédiatement votre ramdam, mais ce qui n'a pas DU TOUT l'air de calmer l"homme de l'autre côté du bureau, qui, imperturbable, s'échine à taper 75fois par seconde sur la touche ESC sans vouloir comprendre que ça ne résout absolument rien...
Vous vous apprêtez à lui hurler, avec votre haleine chargée du matin "Tu vas arrêter Abruti", quand vous vous dites que cette énergie là sera beaucoup mieux utilisée à l'emmerder lui, au moins autant qu'il vous emmerde....

Du coup vous remettez le couvert mais avec vos doigts cette fois-ci et commencer à taper de manière régulière sur le plateau du bureau avec vos petits ongles rouge sang.
Rien à cirer, votre vernis Séphora est, de toute façon, déjà foutu et vous allez vous faire un plaisir d'aller vous faire repeinturlurer les doigts (manquerait plus que vous le fassiez vous-même) une fois cet exquis rendez-vous terminé.
Parce qu'après tout à quoi ça sert le chômage si c'est pas fait pour se faire plaisir...

Le type tape toujours sur son clavier, tel un singe sur une noix de coco qui refuserait de s'ouvrir.

Vous ne contrôlez plus vos doigts qui entament des percussions dignes des plus grands musiciens africains, et ce, juste à côté du pot à crayons de monsieur.
Mais ce con à vraiment l'air perdu devant son écran 96 pouces, et l'appareil commence à méchamment rugir dans sa niche métallique.
Vous être en train d'envisager le pire: devoir passer plus d'un quart d'heure dans cet obscure petit bureau avec ce que l'on appelle pompeusement ici "votre conseiller". L'horreur.

Et là, le couperet tombe, Gérard Berges, votre "Conseiller", se lève maladroitement de son siège, et vous balance un peu gêné, "Je crois qu'il y a un petit soucis informatique, je vais aller chercher mon responsable".
Et bah voilà, c'est le pompon...

Non, il n'y a pas de soucis informatique, non, le responsable de votre conseiller ne travaille pas chez Darty, et non, et il ne pourra pas appuyer plus de fois que l'a fait son naze de collègue sur la touche ESC, et oui, vous allez clairement devoir brûler votre matinée ici.
Vous avez envie de chialer. Adieu manucure, shopping et cinéma, bonjour misère.

Du coup, vous reprenez votre concert pour chaussure droite sur le bureau.
Plus rien a foutre de votre pompe, plus qu'un objectif, se tirer de cet endroit maléfique.

Gérard et son supérieur s'acharnent sur le clavier usé qui menace de rendre l'âme et vous n'avez plus qu'à sortir votre téléphone, flambant neuf, pour aller glaner deux trois recettes à faire durant vos longues journées inoccupées...
Deux trois textos et une bonne dizaine de recettes enregistrées dans "votre sélection" plus tard, vous décidez de lever finalement les yeux vers vos deux informaticiens de génie...
De connivence derrière l'écran les deux conseillers vous regardent tout sourire.

"Vous êtes venue pour rien, votre dossier est à jour, vous auriez simplement dû nous appeler.
Ce courrier est un courrier automatique qui n'aurait jamais dû vous parvenir.
Vous pouvez y aller, bonne journée"

Un dernier coup de pied dans le bureau déjà branlant, vous prenez votre air "super énervé" (celui où vous soufflez à moitié et où vous marmonnez dans votre barbe des choses obscènes que vous n'auriez jamais les cacahuètes de dire tout haut), vous attrapez votre sac, et, en ultime signe de contestation, décidez de tourner les talons sans dire au revoir...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire