jeudi 15 décembre 2011

Tout va Bien, TOUT VA BIEN

Rasée de prêt, mais ça personne, ABSOLUMENT PERSONNE, ne le sait, vous vous déhanchez, à la limite de ce que vous permet l'apesanteur sans vous soucier de vos semelles qui ramassent toutes les saloperies du trottoir.
Le beauf aux cheveux gras qui vous siffle chaque matin et sur qui vous avez juste envie de déverser trois tonnes de purin vous paraît presque sympathique et OUI, aujourd'hui, vous le gratifiez d'un sourire presque sincère.

TOUT VA BIEN.

Arrivée dans votre rad quotidien, le journal est posé sur le zinc, et semble vous dire "prends moi je t'attendais".
Non, aujourd'hui vous n'attendrez pas trois quart d'heure que Enrique grosse moustache finisse de faire les mots fléchés (et les fasse mal en plus), et vous vous plongez directement dans les délicieuses pages brodées de fil d'or des faits divers du parisien...
Le petit enfant mort assassiné de 98 coups de fourchette vous semble méchant et laid, et vous vous dites qu'il a bien mérité ce qui lui arrive; la jeune fille victime d'une tournante à l'air d'une petite trainée et vous êtes, juge suprême, en accord avec la justice primaire de l'homme.
L'incendie d'une usine de feu d'artifice et de confettis qui a ruiné une famille de la Creuse à dû faire un joli spectacle pour les bouseux du village qui n'avaient certainement jamais assisté à quelque chose de spectaculaire, et le clébard qui a bouffé le nourrisson vous semble sur le magnifique cliché de Geneviève Buisson (envoyée spéciale à Vierzon pour couvrir l'évènement) de toute façon mal nourri, donc quitte à bouffer...

Vous refermez le joli torchon, et, le sourire aux lèvres, l'équilibre du monde vous semblant parfaitement respecté, vous vous envoyez votre dose de caféine requise pour le combat de la journée.
Même le café ce matin vous semble doux, un peu comme la pub de Jacques Vabre où la nana, après avoir bu 73 cafés, à l'impression d'être à poil dans un nul part, juste caressée par 4m2 de satin noir.

Bref, TOUT VA BIEN.

Vous payez votre dû à la crèmerie et vous fendez même d'un pourliche. Bah voyons.
Vous retournez défier les lois de l'équilibre avec des talons outrageusement haut qui ne vont pas du tout avec votre tenue, mais que vous trouvez particulièrement bien assortis.
Le bouton de votre braguette qui a sauté faute d'avoir la dignité de foutre un 36 plutôt qu'un 34 ne vous gêne même pas et vous glissez jusqu'au métro, le fessier totalement aplati par ce jean que vous n'avez pas voulu stretch....
La bruine qui bousille votre brushing quasi parfait vous semble douce et chaude, presque tropicale (là vous pensez à une autre pub mais elle est censurée) et pour une fois, non, vous ne passerez pas au dessus du tourniquet métallique de la RATP. Parce qu'aujourd'hui, OUI, vous allez acheter un ticket et avec cela le droit de voyager pénard.

Le son que diffuse votre casque qui vous a couté un demi RSA est à parfait volume et la douce musique qu'il injecte dans vos conduits auditifs finit de vous mettre de bon poil, au point même d'afficher un vilain sourire au milieux des cheveux gras et des odeurs de déodorant de supermarché.

Aujourd'hui, y'a pas à dire, TOUT VA BIEN.

Le talon de votre botte glisse sur un vieux papier de pain au chocolat qu'un connard à jugé bon de jeter par terre. Vous vous dites qu'Eugène Poubelle (1832-1907) a bien fait de se casser les bonbons...
Vous manquez de tomber mais vous vous rattrapez non sans grâce à une petite vieille qui manque, à son tour, de se péter le col du fémur par votre faute, pas grave, l'essentiel, c'est que vous, vous n'ayez rien, la vieille de toute façon d'ici quelques mois...
Les trois changements de métro faits, et qui d'ordinaire vous auraient fait sortir tout un chapelet d'insultes et de vulgarités sur les transports parisiens vous semblent être un voyage excitant et drôle.

Le sourire aux lèvres et de l'électro plus que violente dans les oreilles, vous vous cognez les 83 marches qui vous font remonter à la surface vu que vous êtes sortie à l'unique station de métro dont l'escalator est au moins aussi souvent en panne que les employés de la RATP en grève...
Qu'importe, "un peu de sport n'a jamais fait de mal à personne" bah voyons...
Vous dandinez donc vos deux jarrets jusque sur la chaussée mouillée et glissante et vous vous dites que les 300 mètres qui vous séparent de votre lieu de rendez-vous vont être interminables vu votre idée lumineuse d'avoir mis des échasses par temps de pluie...c'est simple vous avez l'allure générale d'un caniche sur une patinoire...

Qu'importe TOUT, absolument TOUT, va bien...

Non sans mal, mais toujours le sourire aux lèvres, vous arrivez digne, frisée, mouillée, mais digne, j'irai même jusqu'à dire fière,oui, fière,jusqu'à la porte vitrée qui revêt plus de traces de doigts sales que les vitrines de chez Jouets Club.

Pleine de dégout mais le sourire aux lèvres, version béton armé, vous poussez la porte...
Une odeur qui mêle subtilement la sueur et l'eau de javel vous souhaite la bienvenue chez Pôle Emploi...

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